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plus l’air naturel, pas plus l’air naturel que le satan femelle qui la tenait.

— Je suis fort et je suis forte ! soupira doucement la princesse byzantine. J’ai la science et j’ai la ruse. Je peux ce que je veux, voilà pourquoi je ne te veux plus ! Je suis celle qui dompte, mais je dompte d’autres lions que ceux de ton troupeau, Marguerite ! Il est entendu que je meurs… cela me plaît… tu ne sauras pas le poète, pas plus que son poème. Et cependant, je désire un baiser, le premier, le dernier, avant d’aller mourir. Un baiser, oh ! à peine tes lèvres sur les miennes, le temps qu’une fiancée chaste met à dire : non. Marguerite ! Ma fleur toujours effeuillée et toujours refleurie, ma fleur dont la blancheur est celle des dents de mort !…

— Assez, hein ! gronda Marguerite énervée… Est-ce que vous n’avez pas fini, vous, de me faire voir double ? Vous me tournez le cœur avec vos histoires de mort. C’est trop bête ! Votre voix me fait mal ! Drôle d’amusement que de mêler des dents de morts à ça ! Moi, vous savez, je suis une très bonne fille, mais faut pas me parler de l’autre monde : j’ai horreur des araignées et j’aime pas qu’on renverse le sel. Chacun a ses manies ! Non ! Non ! C’est non, une fois pour toutes ! Ces petites blagues-là, c’est si ridicule ! Et pour ce que ça rapporte ! Voyons… vous êtes très belle… et très gentil par-dessus le marché, je l’avoue. Je vous aimerais si j’avais le temps, puis… Après tout, offrez-vous l’étrenne de ce soir ! (Elle ricana, impatientée, vaincue.) On dit que faire l’aumône à un mendiant avant de coucher ça porte bonheur !