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— Tu veux que je meure ? murmura la voix lointaine et sanglotante de la princesse agenouillée. Merci ! Je redoutais tes abandons. Maintenant, je puis agoniser joyeusement. Rien ne fera que tu m’aimes ! Oh ! l’impossible ! Jure-le, tiens, veux-tu, sur la tête d’un poète qui fut plus blond que moi…

— Des poètes ? J’en ai soupé, sont des lâches ! s’écria la fille frémissante et serrant les poing à un souvenir qu’elle gardait, en elle, un peu confus, — elle s’était tant grisée depuis l’aventure — comme une plaie se cicatrisant.

Elle restait debout, fronçait les sourcils, tordait machinalement son voile noir d’où paraissait sourdre une sueur de feu. Pourquoi diable lui parlait-on de poésie ? Les poètes ? Du propre, leur pathos ! Elle savait ce qu’il y avait dessous ! Des lâches ne se plaisant qu’à humilier les belles filles !

— Comment s’appelait-il ? interrogea-t-elle anxieuse.

Pour toute réponse, la Byzantine, en un glissement de reptile, lui ceintura la taille de ses puissants bras d’ivoire et l’amena, malgré sa résistance, à se ployer sur elle. Marguerite se sentait peu à peu la proie du jeune fauve et ne s’expliquait plus rien. Jamais elle ne se grisait avant minuit. Qu’avait-on jeté dans son verre, ce soir ? Quelque chose d’extraordinaire rôdait autour d’elle, dans l’ombre voluptueuse de ce petit salon rouge ; et là-bas, tous ces fantoches se démenant au son d’un orchestre enragé, tous ces êtres bariolés passant et repassant comme des verroteries multicolores, toutes ces créatures démentes n’avaient