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front de deux fluides croissants d’ambre, puis dit d’un impérieux accent :

— Mes perles.

Jorgon tendit un écrin où dormait la candeur de trois énormes perles fines. Paul les posa sur sa chemise, méthodiquement, en s’approchant de la gerbe lumineuse, et à cet instant il eût été difficile de distinguer l’éclat de ses ongles polis du brillant des perles qu’il touchait.

— Quel temps fait-il, Jorgon ? interrogea le jeune homme.

— Pas fameux, Monsieur Paul. De la boue comme s’il en pleuvait. J’ai commande le coupé pour dix heures.

— C’est bon, va me chercher mon frère. Tu l’habilleras ici.

Jorgon se retira.

Seul, Paul se tourna vers le centre de la pièce. Du regard, il cherchait quelque chose, anxieusement, et ses yeux, redevenus obscurs, communiquèrent à son visage orgueilleux une singulière dureté.

Le cabinet de toilette de Paul-Éric de Fertzen, somptueux comme un boudoir de reine, était ouaté de portières égyptiennes, où rutilaient, sur un fond d’azur assombri, un ciel reflété par le Nil au crépuscule, les lourds scarabées d’or. Il se meublait d’un grand lavabo de marbre vert et d’une vaste armoire, en bois de cèdre, travaillée à jour, ornée de volutes de nacre dont les pâleurs translucides donnaient l’illusion de la voir peu à peu s’envelopper d’un rayon lunaire. De chaque côté de l’armoire s’appuyait un fantoche de la hauteur d’un