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palmes de velours funèbre, se posaient sur l’éblouissement de son teint, comme un macabre rappel au mépris du corps.

— Le drap de cet habit n’est pas du tout ce que je croyais, Jorgon, déclara le jeune homme d’un ton tranchant, pendant que le valet de chambre, un colosse respectueusement incliné, lui présentait l’ouverture de ses manches.

— Monsieur sait bien que son tailleur n’a rien trouvé de mieux.

— Oui, je sais. Réaliser quoi que ce soit en fait d’absolu, serait-ce un absolu de gravure de mode, est décidément impossible. Et le muguet rose ? l’as-tu trouvé, toi ?

— Ah ! Monsieur Paul, il n’existe pas de muguet rose ! J’ai couru tous les fleuristes du boulevard, et ils m’ont regardé comme un idiot, sauf le respect que je vous dois. Chez Hortense, on m’a expliqué qu’en croisant un certain plant dit des Alpes avec une espèce cultivée, et en les arrosant d’une mixture dont je n’ai pu retenir le nom, mais que Monsieur votre frère connaîtrait bien, lui, on obtiendrait peut-être la nuance ; seulement, la fantaisie coûterait plus cher qu’elle ne vaudrait.

Paul fronça légèrement ses sourcils bruns, semblables à deux délies de calame.

— La fantaisie, Jorgon, il n’y a que cela qui vaille, tu m’entends ?

— Oui, Monsieur Paul.

Le jeune homme passa l’habit, secoua ses cheveux blond-clair qui se séparaient, à la Stuart, en deux naturelles ondulations, couronnaient son