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— Monsieur Paul ! Monsieur Paul ! Au nom de votre maman !…

Et le vieil homme, ne pouvant trouver que cela, resta planté entre eux, ses grandes mains au-dessus de sa tête comme quelqu’un qui se noie. Paul laissa choir son épée, il ferma les yeux, pris de vertige.

— Vous voyez bien que Monsieur Reutler a soif de mourir de vous, bégaya Jorgon. Et j’ai vécu pour voir ça, moi !

Il se mit à pleurer.

Reutler souriait toujours de son sourire grimaçant. Une tache rose s’élargissait dans la soie de sa chemise. Une piqûre, à peine, mais Paul, toujours excessif, crut la blessure grave. Comme un fou, il se précipita au cou de son aîné en criant :

— Je l’ai tué ! je l’ai tué ! Jorgon, je suis un misérable !

— Par exemple ! fit Reutler s’efforçant de plaisanter, je me porte très bien ! Tu as seulement voulu voir le sang de l’ennemi, et cette vision n’a pas l’air de te causer un réel plaisir… Il n’y en a peut-être pas assez, hein ?

— Messieurs, balbutia Jorgon, je venais… pour vous annoncer… le déjeuner… Ces Messieurs sont… sont servis !

Il s’éloigna, les joues dans son mouchoir à carreaux, devinant qu’il était importun, maintenant qu’on se réconciliait.

Reutler, obligé de soigner Paul, saisi d’une abominable crise de nerfs, oublia sa blessure, insignifiante d’ailleurs. Il dut le dorloter, l’apaiser, lui