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leur faisaient face comme deux visages d’ombre, l’air brute.

— Enfin, voyons, s’écria Paul se remettant debout et fouettant l’espace de son fleuret, il faut être franc vis-à-vis de soi-même ! Je ne l’aimais pas. Elle est morte d’une mort atroce, j’en conviens, mais je ne vais pas prendre le froc sous prétexte que je suis le héros de cette aventure. Raisonnons froidement : elle a l’idée d’entrer au théâtre, je la laisse entrer au théâtre ; elle me tourmente pour que je lui écrive une pièce, je la lui écris, et quelle pièce ! Une ineptie qui pouvait me compromettre et qu’on a eu toutes les peines du monde à retirer de l’affiche ! Elle débute, fait un faux pas, en meurt. Tiens ! Je ne suis responsable de rien du tout. J’ai horreur des hypocrisies sociales. Cette petite a été plus heureuse en ces trois mois de passion qu’en toute une longue vie ordinaire ! Je te le répète, je ne l’ai jamais aimée et ne me dois nullement à sa mémoire. J’ai essayé de la venger, n’ai pas pu. Amen !

— Tu pourrais rappeler le coupé, objecta Reutler, s’accoudant, le front dans sa main, et tâchant d’éviter la lumière blanche.

— Peuh !… fit Paul pirouettant, indécis.

— À quoi bon des fleurs portées par ce domestique… si tu as horreur des hypocrisies sociales !

— Non ! Laisse… ce sont les dernières… il faut toujours agir en galant homme. On ne reprend pas ce qu’on a donné.

Reutler eut un petit rire sec.

— Il n’y a pas de quoi rire non plus ! dit Paul s’irritant. Tu as vu dans quel état j’étais le jour de