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soupissait dans une torpeur végétative que son tempérament de garçon nerveux ne pouvait déjà plus supporter, même au nom d’un deuil de cœur. On avait remué la préfecture et fait des enquêtes prudentes, interrogé des gens ahuris, renvoyé de malheureux machinistes, et la mort mystérieuse de la pauvrette, qui avait eu son heure de célébrité, son enterrement fastueux, se réduisait peu à peu aux proportions d’un simple accident. Quelques larmes, beaucoup d’encre, des fleurs rares avaient coulé tout un mois… Et voilà qu’il se mettait à pleuvoir.

— Vie assommante ! conclut Paul tout haut.

Il alla tirer le store, fit la nuit et alluma le plafond électrique.

Reutler sursauta sous l’irruption de la lumière crue.

L’aîné des de Fertzen, assis sur le bord d’un grand lit de repos, étudiait un vieux manuscrit. Il parut plus blême dans l’atmosphère grise, incendiée d’éclairs.

— Qu’est-ce que ces lueurs ? fit-il interrompant sa lecture pour lever les sourcils. Qu’est-ce qui te prend ?

Pour toute réponse, Paul, le bras replié derrière son dos, semblant se garer d’un féroce adversaire, se fendit à fond devant une potiche, lui dépêcha un coup terrible et l’éparpilla aux quatre coins de la pièce. En un flot d’eau, les roses qu’elle contenait s’évanouirent à ses pieds. Paul examina curieusement le désastre, ramassa une tige, un petit bouton très lisse dépouillé de ses feuilles, se mit à le mâchonner.