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rencontrait rien. C’était sans doute encore plus bas, toujours plus bas ! La spire des échelles semblait avaler goulûment les chercheurs. L’air était lourd. On n’y voyait presque pas, et en haut, quand on levait les yeux, on apercevait un rond de lune d’une clarté d’eau, une espèce de soupirail plein de lueurs jaunes dans lequel s’agitait un petit homme falot, coiffé d’un bonnet pointu de magicien : l’enchanteur, demeuré curieusement penché sur cet immonde abîme.

On y arriva, cependant, aux grands dessous, une cave suintante, un véritable fond de citerne, et là resplendirent la robe de soie blanche, puis les ailes étoilées de gemmes, les manches gracieuses, étendues en croix, la longue chevelure dénouée, frisante et fluide, toute poudrée d’étincelles ! Ce fut à peine si on put s’apercevoir qu’il y avait un corps dans cette robe somptueusement étalée sur cette fange, aplatie, incrustée comme un bijou qu’un marteau a enfoncé brutalement.

Les pompiers firent le cercle, tâchant d’écarter le jeune homme. Ils essayèrent de ramasser la petite femme, mais, vraiment, elle n’y était plus, la petite femme, il n’y avait plus rien d’elle que sa belle défroque d’actrice, son superbe manteau de jeune reine envolée définitivement pour le pays des songes mélancoliques. Cela craqua, sec et net, comme une effigie de carton. Il n’y avait ni sang, ni blessure hideuse. C’était propre, très correct, la figure d’ange était devenue toute brune, aussi brune que les cheveux, et les jolis bras blancs, sous le blanc des fards, avaient verdi, se changeant en un jaspe strié de veinules bleues. Elle donnait l’im-