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cygnes donnaient, seuls, des répliques faciles, à longs coups d’ailes.

Les violons, habitués aux tracs multiples des nouvelles venues, recommencèrent le prélude, une mélopée tendre, durant laquelle Jane devait soupirer les premières phrases de son rôle. À la fin du morceau, un léger murmure s’éleva du fond de la salle. Dans la fluide irradiation des lumières et des essences vaporisées, on perçut le malaise de toute cette foule de bonnes volontés entassées devant ce paradis rose, béant comme un four.

Paul n’y tint plus. Aucun truc de féerie ne surgissait, ni des planches, ni des frises. Suivi de son frère, il fit le tour, derrière le théâtre, et trouva le directeur en conversation vive avec le chef machiniste.

— Alors, imbécile, ce n’est pas vous qui avez sifflé au fond ? disait le boxeur, les joues suantes. Je vous répète que j’ai entendu siffler !

— Moi, Monsieur, répondait l’homme abasourdi, j’ai pas sifflé. Pourquoi que je l’aurais fait puisqu’il n’y a pas de truc de fond avant le trois ! Je sais mon métier, peut-être ! Voyons, patron, c’est pas raisonnable de croire ça !

Reutler tressaillit ; ses lèvres se plissèrent, torturées de leur involontaire frisson. Il revit, comme dans un éclair, le regard fixe, subitement inexplicable, de Jane étendant ses bras. Lui, qui observait tout sans s’intéresser à rien, il eut la prescience d’une fatale aventure, et, laissant le directeur demander à Paul ce que devenait sa débutante, une petite pécore qui allait exaspérer un public si bien