du côté cour, et du côté jardin, Jane Monvel s’avançait, grave, recueillie, tenant un lis d’argent à la main, traînant derrière elle, avec une enfantine majesté, la longue queue de sa robe de damas blanc. Des manches, largement pendantes, lui faisaient autour des bras comme le repliement de deux chastes ailes, et son front baissé sous une ferronnière de perles fines, ses bandeaux à la vierge, le fard dont elle avait su miraculeusement se servir, la rendaient vraiment séduisante d’un genre de séduction qui touchait, malgré sa factice ordonnance. En avançant, elle leva les yeux, aperçut son amant ; baisant son lis, elle lui envoya de loin une caresse qui triomphait. Ses yeux scintillèrent de vrai bonheur. Comme elle était très émue, elle eut l’air, cinq secondes, d’une jeune mariée un peu folle, attendrie, mais espérant l’époux avec une ardeur presque sauvage et certaine, enfin, d’entrer de plain-pied dans son rêve nuptial… elle fit un faux pas, ne poussa aucun cri, étendit seulement d’instinct ses deux bras blancs qui ouvrirent ses larges manches et la firent tout à coup planante au-dessus de la terre, surhumaine, puis elle disparut, tandis que le lis d’argent roulait jusqu’au milieu de la scène vide.
Reutler eut un soubresaut. Il regarda Paul, stupéfait. Paul, d’un geste machinal, se frottait les yeux.
— Ah ça, qu’arrive-t-il ? murmura le jeune homme. Elle était là, elle n’y est plus ! Et dans l’ombre du portant, je crois la voir encore. Reutler, fais-moi donc le plaisir de me pincer. Est-ce