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— Tu es incapable d’entendre, mon grand ? questionna le jeune homme.

— Oh ! je n’entends plus quand on crie, tous ces gens-là m’ont l’air fou. Encore plus fou que toi. Il y a des choses délicates et charmantes pourtant dans cette pièce que tu qualifies d’idiote, et ils noient tout dans le même torrent d’inflexions furieuses. Je ne suis qu’un piètre juge, seulement, cela me navre.

— Le convenu pittoresque ! Le mot souligné ! L’effet qu’on lâche en jet de fronde au nez du spectateur, c’est du bon théâtre, mon grand ! ricanait Paul. Tu ne veux pas revenir à la Comédie Française sous prétexte que les plus fameuses vedettes y font sonner les r comme des charretiers qui jurent ! — Entre parenthèse, ils ont à la Comédie une vraie vierge de vitrail comme celle que je rêvais pour ma moyenâgeuse. Il y a bien Mlle Lyriano, tu sais ?… celle dont le teint d’hostie donnerait à l’amour un ragoût sacrilège, la si étrange fille au profil de madone ; seulement, on la condamne au Racine, elle n’est pas pour poète libre ! Elle est dans les fers de la royauté sociale. — Mais ici, mon grand, tout se corse ! Les moindres répliques ont l’air de boucliers lancés sur Tarpéia. Ce sont des avalanches de bronze. Ici, le convenu, on le met au point, on l’aligne, on le tend, jusqu’à ce qu’il résonne comme un tambour. (Paul s’interrompit pour crier :) Bravo ! Jane ! Bravo ! (Il se retourna vers son frère.) As-tu entendu ? « Et des roses se meurent qu’on ne respire pas. » Elle dit cette pauvre phrase de prose comme elle réciterait