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du coupé de Paul sur le trottoir, et elle n’oubliait point les pièces blanches. Le jour où elle proféra, parlant des acteurs jouant avec elle : « Ces sales cabots ! » Paul la jugea définitivement classée. Cabotine comme les autres, ni mieux ni plus mal, elle finirait comme les autres, demi-mondaine respectable, celle dont on peut vanter le premier métier en pensant au second. Ce serait la faute de Paul encore plus que la sienne, mais Paul se réjouissait de rompre si correctement… Les ruptures, ce n’était pas drôle, on ne pouvait pas les transformer toutes en nuits nuptiales ; et dès qu’il se sentait une pointe d’amertume, pour passer le temps, il l’aiguisait sur son frère.

— Oui, ta faute ! appuyait Reutler très sombre au fond de la loge noire.

— Allons donc ! Ma faute ! Elle est née pour le vice, grondait le cadet. Tous les sentimentaux, c’est vicieux naturellement. Elle m’a bien avoué que lorsque Mme de Crossac changeait de costume, dans leur théâtre intime, elle était saisie d’un frisson bizarre à la vue des pots de rouges et finissait par lui baiser les bras, que la dame a d’ailleurs fort beaux. Sa mémoire d’oiselle reflète des choses terribles qui ne demandent qu’à prendre corps. Je suis sûr que quand elle entend les trois coups, elle s’imagine son père l’artilleur tirant le canon. Sois tranquille à son égard, elle se jouera toutes les comédies… sans les savoir et par conséquent sans succès.

Reutler, échoué dans un fauteuil, se tenait les tempes.