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Les répétitions furent menées rondement. Le directeur, entre deux séances de boxe ou de savate, arrivait en claquant les portes, le front suant, les mains rougies et les jarrets distendus. Il déployait une activité merveilleuse, surveillant à la fois les répliques des acteurs et les gaffes du metteur en scène. D’une voix fausse, il imitait à ravir toutes les intonations des femmes. Silencieux, dans leur loge noire, Jacques-Reutler de Fertzen et Paul-Éric suivaient ses gestes d’ogre en goguette tout en échangeant des sourires de dégoût. Pour Jane seule, l’ogre se montrait plein de respect, avec un tact d’homme qui sait son monde. Il disait : « Mademoiselle, vous devriez bien élever la voix », se tournant vers elle avec une demi-courbe des épaules très caractéristique, tandis qu’il criait à la petite Hubert, chargée du rôle de la sœur de lait : « Toi, faudrait gueuler moins fort. » Au milieu de ce théâtre coquet, pimpant comme un boudoir, où les hommes en habit avaient déjà l’aspect de chevaux de corbillard se promenant dans des fleurs, il représentait le buffle, le bon buffle adroit, levant les pattes pour ne rien abîmer. Reutler, traîné là par son cadet, y ressentait plus lancinante son intolérable névralgie, et Paul se tordait en les affres d’un mauvais rire.

Quant à Jane Monvel, elle exultait. Plus de pressentiments, plus de tirades patriotiques, elle nageait en pleine félicité sentimentale. Les ouvreuses, les machinistes commençaient à la saluer en disant, se poussant du coude : « La débutante… celle qui a le sac ! » Elle avait une façon étonnante de leur faire voir ses dessous de Valenciennes, en sautant