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— Une brune exquise, des yeux à fondre les chairs, répondit Paul souriant.

— Des cygnes vivants, reprit le directeur, il en faudrait au moins douze. On les attacherait sous l’eau avec des chaînettes un peu espacées, de sorte qu’ils auraient l’air d’être libres. Ils ne risqueraient pas de blagues, ces bêtes, et encore, un qui ficherait son camp au beau milieu de la lumière électrique, je vois d’ici l’écho de seconde que ça nous vaudrait : « Hier, à l’entrée de Mademoiselle… ?

— Jane Monvel !

— … de Mademoiselle Jane Monvel dans son royaume fleuri, l’un des gracieux animaux qui l’entourent s’est échappé malgré les efforts de la sympathique artiste et est allé se poser sur l’avant-scène du prince de S. » Suivraient des détails, plus les rappels, une ovation au courageux volatile, ou à la sympathique artiste. (Il se gratta l’oreille.) Tenez, j’ai bien envie de faire quelque chose pour la poésie. Vos trente mille francs, vous les rattraperez rien qu’avec le cygne, si on s’emballe là-dessus !

— Et la musique ? objecta le secrétaire pour la forme. Et la presse ?…

— Je m’en charge également, riposta Paul qui se promettait, du fond de l’âme, d’étouffer toute espèce de canard aux allures de cygnes.

— C’est en vers, hein ? dit le directeur ressaisissant le manuscrit.

— Mais non… c’est en prose un peu rythmée, voilà tout.

— Bon… ça me décide. Je vais piocher ça… Nous pourrions répéter la semaine prochaine. J’aimerais