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fuir ; cependant, il se ravisa parce que le secrétaire ajoutait :

— Une petite féerie, n’eût-elle que quatre rôles et pas de ballet, vous ne vous imaginez guère ce que ça coûte à monter, cher Monsieur.

— Si, je sais. Une trentaine de mille francs, jeta Paul reboutonnant son pardessus avec flegme.

Les deux hommes se regardèrent et eurent un haut-le-corps.

— Écoutez-moi, à mon tour, fit Paul rompant un silence pénible. Je ne suis ni poète ni boxeur, je suis amoureux ! j’ai une petite fée, sinon une petite féerie, à caser chez vous. Le manuscrit n’est pas mon œuvre. Supposez que ce soit écrit par le domestique qui l’a portée. Je suis comme vous, l’ai pas lue, ou si peu. Très persuadé que c’est suffisant pour abrutir les foules. Seulement, bien monte, avec des costumes, des décors originaux, et je m’entends à jouer du paillon, je crois que ça marcherait. Au premier acte, le rêve de Berthilde, cela se passe dans un jardin de roses rempli de cygnes vivants. Facile à dresser les cygnes et à transporter. — Je regrette que ce ne soit pas plus lourd, pour Monsieur dont les muscles préfèrent les lions ! — Il faudrait des rosiers nature et des bêtes superbes de blancheur. On parfumerait les jets d’eau pour que le rêve déborde sur la salle. Quant au costume de la petite femme, je m’en charge, elle aura des bijoux à faire pâmer les premières loges. Dois-je affirmer que je me charge de tout le reste, est-ce compris ?…

— Jolie, votre petite femme ? interrogea le directeur devenu grave.