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de la Sultane on se répandit sur les succès des théâtres voisins, on déclara, clignant de l’œil, que la littérature ne faisait jamais cent sous de recette à elle toute seule. Les réflexions de coulisses étaient entremêlées de mot de salle et de vigoureux coups de poing donnés sur le bureau où sautaient les canettes vides. Mis à l’aise par une raillerie de Paul qui ne reparlait plus de son manuscrit, ils en vinrent à démonter l’homme canon, membre à membre. Tout cela, c’était du truc. Avec de l’adresse, de l’exercice constant, on réussissait ce qu’on voulait. Mais la force, la véritable force… oh ! c’était toujours une belle chose. Miss Clary, l’Anglaise, ne soutenait-elle pas, du bout des dents, un gaillard bien plus gros qu’elle et sans filet ?

— Oui, Monsieur, sans filet ! On n’a pas l’idée qu’elle le lâchera. Si j’avais pu me l’offrir, pour un des tableaux de la Sultane ! C’eût été un solide clou !

Paul se leva pour sauver son poème des mains velues du secrétaire.

— Ne me gardez pas rancune, gouailla le directeur. Nous ne recevons jamais personne, et j’ai fait une exception en votre faveur. Heureux de vous connaître, tout de même. Marguerite Florane m’avait tant parlé de vous ! Oui, vous êtes un gentil garçon, mais la poésie, ça nous ferait fermer boutique ; les foules sont des brutes, vous savez, nous travaillons pour les foules, nous autres.

Écœuré par le mauvais tabac et l’odeur de chenil qu’exhalait le divan, Paul ne désirait plus que