tager, du porc fumé et du pain frais pour nous, une gourde de lait pour elle et aussi une tablette scellée de cire pour l’abbesse Radegunde… Ne penses-tu pas que cette fille sera morte ? ajouta le berger Harog, d’un même ton sourd.
— Elle ne vaut pas mieux !
— C’est que nous ne pourrions pas l’ensevelir avant une lune.
— Nous la laisserions tomber dans cette rivière. Qui le saurait ?
— Nous lui devons la terre sainte, Ragna.
— Et si elle refuse de manger ?
Harog ne répondit plus.
Comme ils entraient dans l’eau, ayant retroussé leurs brayes et assujetti les lanières de cuir de leurs chaussures, ils entendirent aboyer ; c’était la chienne.
— Voici Méréra, dit Harog à Ragnacaire, elle a flairé son petit. Celui qui la retient n’a qu’à bien raidir les bras. Ne tournons pas la tête.
— A og ! Nos bêtes ont du cœur.
Ils entrèrent dans l’eau, nagèrent des deux côtés du chariot, car on perdait pied à cause du courant. La chienne, encore vigoureuse malgré les récentes fatigues de la parturition, cassa la corde, culbuta l’homme qu’elle entraînait comme un fagot, et se précipita courageusement à la suite de son petit.