Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/144

Cette page n’a pas encore été corrigée

vait cependant communiquer avec la ville par un souterrain qui unissait le domaine religieux à l’ancienne maison de plaisance de Radegunde, située juste au pied de la basilique. L’abbaye contenait, du côté de la campagne, les cloîtres et les cellules des réfectoires, la chapelle, petite église en forme de donjon qu’écrasait de son poids colossal une immense croix de pierre, puis les logements des esclaves, les vastes étables donnant sur la forêt, les écuries où l’on nourrissait plus de cinquante paires de bœufs, les chevaux se faisant rares à cette époque de guerres intestines, de nombreux troupeaux de moutons et de porcs. Du côté de la ville, autrefois reliée par un pont volant à l’abbaye, la maison romaine se composait d’un baptistère, d’une piscine, devenue bains publics, et de vastes salles fraîches où s’entassaient des coffres remplis de grains. Leubovère ne daignait pas relever le pont enjambant les murs de Poitiers de son arche hardiment indépendante. Un furieux vent de tempête l’ayant mis à mal, elle l’avait laissé crouler dans les ravins pour le plus grand déplaisir de ses religieuses, qui se sentaient davantage séparées du monde. Leubovère ne se souciait guère de ce passage. Elle en connaissait un autre au fond de ses caves (du moins se croyait seule à le connaître) qui