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complice de ses concubines. Ce qui l’indignait surtout dans leur subite attaque contre son autorité de vieille mère, c’était de les entendre s’exprimer à la façon d’un viguier[1] revendiquant des droits. Chrodielde lisait aisément tous les grimoires. Basine avait été élevée avec soin dans l’étude des manuscrits sacrés. Depuis son enfance, elle savait ce que Leubovère ne pouvait même pas apprendre au déclin de sa vie, et elle était, en outre, douée d’un esprit de raillerie qui la faisait détourner de leur véritable sens les pieuses naïvetés de sa supérieure.

Des élancements de goutte saisirent l’abbesse aux jambes. Il devait y avoir de l’orage sous les voûtes du monastère et dans les fonds bleus, trop bleus du ciel. Elle fut contrainte de se rasseoir.

— Vous me manqueriez de respect, vous ! cria-t-elle suffoquée. Ah ! je ne sais pas vos noms, je ne veux point m’en souvenir ! Vous êtes les filles de Satan, rien de moins, rien de plus !

Basine souriait d’un singulier sourire d’enfant malicieux, presque câline.

— Satan, ma mère, était, avant la création de ce monde misérable, le roi des anges et ce fut pour

  1. Magistrat du temps.