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sœur est un peintre estimé, il emploie le plus effroyable des jargons d’atelier pour scandaliser la femme qui, d’ailleurs, en prend son parti en tant qu’artiste. Toutes les scies lui sont familières et il exécute les danses les plus excentriques avec une souplesse de reins qui fait peur. Il y a du reptile en lui. Mais Marie Faneau le voit comme un pauvre gamin, retardé dans sa croissance, très étourdi, très fiévreux, elle lui pardonne tout, et, quand elle le gronde, elle y met des précautions maternelles vraiment touchantes.

Pour Michel, Marianeau, comme il l’appelle, est à la fois le trésor qu’il admire, veut conserver pour lui seul et le trésorier dont il a un incessant besoin. Ce n’est pas un vilain Monsieur — il est si joli ! — dans toute l’acception du terme, mais il oscille entre le vice et la vertu. Sans cette fille vaillante, patiente, laborieuse, qui, elle, a besoin de se dévouer, il tomberait dans n’importe quelle boue, parce qu’il est dépourvu de sens moral. Il aime sa sœur, tantôt fougueusement, tantôt avec tous les froids calculs de son égoïsme. Il est à la fois jaloux comme un amant et intéressé comme un parasite. N’ayant pas de fortune personnelle, incapable de gagner