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rage d’une créature ayant à la fois charge d’âme et responsabilité d’artiste, perdit la tête. Elle eut le fameux coup de folie auquel, selon le jeune névrosé, son frère, toute humanité a droit. De cet homme à elle une chaîne se formait, car, malgré leur vertu ou leurs tares, la grande nature, ignorante des usages sociaux ou des complications de guerre, les avait, depuis toujours, dédiés l’un à l’autre, et cette Marie Faneau, si raisonnable, si réservée, subitement vibrante d’une passion qu’elle s’ignorait, cria, rugit, véritable lionne en pleine jungle :

— Et moi, moi, monsieur Yves de Pontcroix, qu’est-ce que vous faites de moi ? Est-ce que, par hasard, je n’aurais pas un cœur, des entrailles, qui ne puissent être broyées, tordues, par vos savantes pratiques de mondain bien élevé ? Vous voulez donc me faire dire ce mot la première ! et vous tenez, n’est-ce pas, à ce que je me jette à votre tête, parce que je suis, en réalité, une ouvrière travaillant pour gagner sa vie ? Il vous est trop humiliant d’avouer que votre goût s’égare ! Une fille sans fortune et sans dot, non seulement ça ne s’épouse pas, mais encore ça ne peut pas s’afficher, parce que, tout de même, c’est quelqu’un ! Est-ce que je