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riait dans la foule moins attentive massée près des réfectoires. Une table de cinquante couverts réunissait les pauvres de la commune et d’ailleurs. Il y avait là des misères décentes et des chemineaux plus que douteux. L’un d’eux avait dû s’esclaffer, en voyant ce ministre boire de l’eau en face d’une belle bouteille de champagne casquée d’or.

Marguerite eut un frisson. Si c’était l’anarchiste ? Ce ne pouvait être que lui. Délivrée du souci de tenir tête au docteur Garaud parti bras dessus bras dessous avec son meilleur ami pour des constatations agricoles, elle se dirigea vers les réfectoires. Là on mangeait encore et on buvait du vin pur, profitant de ce discours instructif pour négliger l’addition d’un microbe quelconque au piccolo de la fête. Marguerite reçut, parmi ces gens simples, des compliments un peu brutaux, et elle eut à essuyer les lèvres d’un petit voyou porteur d’un bouquet de liserons qui lui aussi voulait la lui souhaiter. Son tablier de soubrette, qu’elle avait gardé pour servir M. le Ministre, séduisit ces pauvres à mines canailles venus d’on ne savait où, pas tous de la commune certainement. Elle alla de table en table, prise d’un tendre intérêt, s’informant du nom-