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Flachère, et la fête se doublait d’une réception intime. Le docteur Garaud, un apoplectique démocrate, un brave homme très laid, un peu niais, qui prenait au sérieux la crise des betteraves et l’éternelle mévente des vins, venait pour tutoyer en plein discours son vieux camarade. Cela devait produire un certain effet, au moins aux yeux des domestiques de la maison. À midi on entendrait retentir la modeste fanfare de la coopérative jouant l’hymne national ; le petit Decauville pavoisé aux trois couleurs s’arrêterait devant l’une des avenues plantées de rosiers, et, l’air d’un joujou accouchant d’un monstre, il mettrait bas le gros ministre rougeaud, encore solide, ma foi, pas plus de quarante-cinq ans, haut en couleurs de santé comme en nuances radicales et grand distributeur de mérites agricoles. Pauline, la femme de chambre de Mademoiselle, avait fait remarquer — pourquoi ? — que ce ministre était garçon. Il n’en devenait pas plus respectable, mais ce célibataire donnait à songer à toutes les jeunes filles comme aux époques de féodalité un seigneur aurait donné à trembler à toutes les pucelles d’un hameau. Certes, le pauvre homme ne passait point pour un Don Juan : de poils rares, le nez de travers,