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oiseaux pleurant la pluie, les verdures, les sources fraîches, les jeunes proies faciles dont on peut boire la vie d’une seule aspiration, les grands fleuves étalant leur miroir où les fauves penchés ont des auréoles d’étoiles… Peu à peu, le cerveau de la panthère expirante s’éblouissait des visions anciennes. Oh ! le bonheur, très loin, la liberté ! Un mouvement de désespoir fou lui rappela son sort : elle revit aussi le champ d’or, taché de pourpre, du sable des arènes, la masse grise de l’éléphant éventré, le sourire dur du chrétien, et enfin les cris furieux des belluaires, les supplices, tous les supplices ! Le mufle posé sur ses deux pattes fatalement croisées, elle semblait dormir… peut-être était-elle déjà morte. Tout à coup, l’obscurité de sa prison se dissipa. Une trappe venait de glisser là-haut, et, descendant du ciel dans cet enfer où croupissait la bête damnée, une forme blanche, svelte, une femme apparut. Elle portait en un pan relevé de sa tunique