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elle (souriant) : Oui, à la condition que je n’y mirerai que le haut de mon visage. (Elle se penche sur l’eau.) Je ne me vois pas bien ! Oh ! comme cette eau est profonde ! Je parie que cette fontaine traverse toute la terre, tant elle est noire ! Ah ! je me vois… je me vois… Tiens ! j’y retrempe mes nattes, tu auras le goût de mes cheveux, et puisque je suis très blonde ce sera du miel tout à fait !

lui (timide) : Tu me boiras à ton tour, dis ?

elle (avec dédain) : Je ne boirai pas dans les mains d’un garçon.

lui (s’inclinant dévotement sur ses mains qu’elle a de nouveau remplies d’eau) : Oh ! je te remercie tout de même. Tu es si douce pour moi quand tu veux ! (Il hume l’eau et se redresse fièrement.) À présent, je t’emporterai partout.

(La fontaine s’éclaire peu à peu, les nuages passent, les mouches recommencent à bourdonner au soleil.)

elle : C’était bon ?