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sauver sa peau, même quand on n’a pas de chemise…

Il plaisantait, tournait autour de moi et paraissait meilleur compagnon. Du grand navire perdu, pas un mot.

Les épaves demeuraient invisibles à l’horizon, et les noyés (heureusement pour moi) avaient depuis longtemps gagné le large. Le vieux, toujours à l’affût, son harpon dans la main, ne parlait pas des belles filles recueillies.

Chose étrange, le souvenir de cette tête entrevue derrière la vitre d’un hublot s’effaçait peu à peu de mon cerveau fatigué par l’éternel bruit du vent. Je pensais avoir mal vu, des hallucinations, un rêve continué tout éveillé. J’avais eu tant de rudes émotions la nuit du naufrage ! Pas étonnant si je battais la campagne. Un reflet bizarre de soleil, le jeu d’une ombre entre les barreaux, mon propre visage se mirant à une heure où j’étais plus nerveux que de coutume, surtout éreinté par tant de manies ridicules…