mait fort appétissant ; elle le prit à pleins bras, et, avant qu’on ait pu la retenir, elle envoya le tout dans l’espace avec un calme imperturbable.
— Tiens, Minoute ! fit-elle. Ensuite elle se retira, le front haut, sans daigner refermer la porte.
Pétrifiée, la dernière des de Cernogand n’eut même point la présence d’esprit de faire un signe de croix.
La maison subit une véritable crise à propos de ce plat de beignets si cavalièrement offert aux mânes d’un chat assassiné. Mary reçut le fouet. On la mit en quarantaine pendant plusieurs jours. Elle fut privée de dessert, de la musique du dimanche, et surtout de jouer avec ses chats. Minoute, désorientée, abandonna le lit de sa maîtresse, emporta son petit dans l’écurie ; un cheval écrasa ce restant de la nichée. Enfin, le plus poignant de tous les désespoirs, l’intendant, avec la permission d’Estelle, tendit un lacet sous les fuchsias, endroit fatal où Minoute trouva une mort prématurée.
Mary demeura inconsolable. Son père voulut lui donner un oiseau ; elle refusa. À quoi bon ?… si Minoute n’était plus là pour le manger ! Ces sortes de peines prenaient dans le cerveau de la petite fille des proportions terrifiantes. D’autant mieux qu’elle pleurait peu et ressassait ses douleurs des journées entières. La maison lui inspirait une tristesse morne sans la moindre distraction vivante ; certes, elle ne manquait pas de joujoux, tous les officiers de son père au premier janvier lui avaient donné des pou-