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s’endormit, n’achevant pas sa phrase passionnée. Elle sauta à bas de la couche conjugale, alla tirer un flacon de chloroforme d’une cachette qu’elle avait ménagée derrière un tableau et elle le mit une seconde près du visage du dormeur.

En s’habillant elle le regardait, soucieuse, pensant qu’il ne se douterait guère de son audace, mais qu’elle risquait de se partager chaque nuit et que c’était ignoble pour l’amant.

Elle se glissa jusqu’aux écuries, réveilla le cocher qui l’accompagna avec des précautions de filou. Elle ne respira que dans l’escalier de Paul Richard, mécontente de son peu de courage. Paul avait mal dîné, il ne voulait plus allumer de feu, et il était assis devant un énorme registre de négociant, une tenue de livres dont il croyait tirer des sommes d’argent. Mary haussa les épaules.

— Tu sais, lui dit-elle, que mon oncle m’a légué cinq mille francs pour toi, je te les apporte !

Une rougeur envahit les joues du jeune homme.

— Je te remercie, mais je n’accepte pas… c’est ton notaire qui doit me rendre des comptes. Voyons ?… tu veux décidément me réduire à ce rôle d’homme des ruisseaux ? Où est la preuve du legs ?

Elle arpenta la mansarde, exaspérée. La situation devenait embarrassante.

— Voici les billets, fit-elle des dents grinçantes, et je vous ordonne de les prendre !

— Oh ! murmura-t-il, joignant les mains devant