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à faire, dans leurs jeunes élans, le nom de son mari, un viveur déjà flambé, ou celui de son oncle, un hypocrite à moitié mort ? Ils déjeunèrent tous les trois près du feu, en devisant de l’avenir : si le vieux partait l’année prochaine, le plus tôt possible, Mary demanderait une séparation de corps qu’elle se chargerait de faire prononcer contre l’époux. Moyennant une rente qu’elle lui offrirait, elle deviendrait libre, et Paul serait le maître rue Notre-Dame-des-Champs.

— Mais, tu veux que je passe pour un entretenu ! murmura l’étudiant.

— Des mots ! s’exclama Mary impatientée, des mots !…

Ce matin-là, l’oncle Barbe comprit que c’était l’écroulement définitif. Tulotte, l’esclave, et l’amant, fou à lier, obéissaient sans une ombre de pudeur. On ne lui disait pas, à travers les rues : « Vous êtes leur complice ; » mais l’instant viendrait où le mari, ressaisissant son revolver, tuerait pour de bon la femme qui se moquait ainsi de toutes les lois sociales. Antoine Célestin, déjeunant seul dans leur vaste salle à manger, lisait ses revues scientifiques.

— Je suis si inutile ! se disait-il, en feuilletant les pages de son dernier article sur la cristallisation de l’acide carbonique.

À midi seulement, les deux femmes descendirent du coupé, et entrèrent chez lui.

— Mon Dieu ! balbutia-t-il, la voyant très pâlie