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six filles du trésorier (il avait été impossible de les éviter) vêtues de taffetas rose ; le sommet du fort, piédestal du génie de la guerre, s’ornait d’un étendard français à hampe de velours. Mary s’assit sur un trône à l’ombre de l’étendard et remarqua qu’elle serait admirablement placée pour jouir du coup d’œil. Ses demoiselles d’honneur pétrifiées ne disaient rien, elle les apostropha :

— Eh bien ! petites, tenez-moi ça un peu ferme, vous savez que la consigne est de ne pas bouger, jusqu’à la prise du drapeau ! C’est Zaruski qui le prendra ; il sautera de son cheval sur la mousse, escaladera le fort où on a planté des crampons exprès, vous inclinerez vos bannières et moi je lui donnerai le drapeau pour que ce soit plus vite fait. N’oubliez pas le signal, Zaruski aura un cheval blanc pour qu’on le reconnaisse de loin.

Les six demoiselles du trésorier répondirent oui toutes ensemble et redressèrent leurs têtes blondes avec timidité.

La première partie du programme s’exécuta dans un ordre parfait ; les gradins du grand cirque pavoisé étaient combles de bas en haut ; les toilettes fraîches se mêlaient heureusement aux habits noirs ; çà et là, un uniforme jetait une note claire parmi ces gammes de nuances tendres ; la musique alternait avec les salves d’applaudissements, et on se montait la tête parmi les citadins, on lançait des couronnes de feuillage, on vociférait des encouragements.