Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/218

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

reste, ne doutait du succès si on déclarait une guerre quelconque, car ils se préparaient en prévision du grand jour. On exécutait les plus brillantes manœuvres libres sur le terrain préparé pour ces simulacres de batailles. On astiquait ferme ses boutons et puis on faisait l’amour ! Jamais on ne prouvera aux cavaliers français que faire l’amour n’est pas la meilleure préparation à un combat meurtrier. Chaque matin on pérorait, au café, sur la belle réponse du ministre : du même à la même !… Hein ! quelle arrogance ! c’était collé, ce mot visant l’Allemagne !…

Pendant que le colonel Barbe, sortant tous les jours à l’heure de l’absinthe, donnait son avis devant Pagosson, Zaruski, de Courtoisier approuvant du geste, Estelle, dans la cuisine, brandissait des fourchettes contre les ordonnances béants ; elle voudrait en tuer un de ces cochons de Prussiens ! Ah ! si on écoulait quelquefois les femmes, il y aurait de jolies victoires. Et il ne fallait pas faire traîner la chose… les attacher tous à la queue de leurs chevaux ! Tulotte, quand elle avait une fiole en main, buvait gravement à la santé des braves comme elle l’avait vu faire la veille par son frère Daniel avec ces messieurs du 8e. Les esprits se montaient rapidement au milieu de cette ville guillerette, pleine de pampres verts et de brimes filles. Il y eut des mariages bâclés en un rien de temps ; on s’épousait, prévoyant qu’il y aurait du grabuge mais que ça ne pouvait pas durer, étant donné la