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— Finis donc, ou je tape ! dit-il avec un mouvement d’humeur. Ils demeurèrent un instant silencieux, elle, cousant, les yeux baissés, lui, suivant ses doigts pointus qui arrangeaient les étoffes et regrettant peut-être, sans s’en douter, les chatouillements de ses petits ongles sur sa peau.

— Veux-tu que nous fassions un grand voyage ? lui demanda-t-il quand son travail fut terminé.

— Oh ! oui ! Allons-nous-en !

— Eh bien ! il y a fête au hameau de Sainte-Colombe, de l’autre côté de Vienne, il faut passer le Rhône et on s’amuse joliment !

— Mais !…

— Ton papa ne saura rien, puisque les bonnes sont à la procession et ta tante Tulotte lit ses livres sur la galerie. Elle croira que tu es ici, voilà tout…

— Nous irons !… Siroco. Pourvu que tu ne me laisses pas en route… je marcherai.

— J’ai quarante-six sous d’économie dans le coin de mon traversin, et toi ?

— Moi, j’ai vingt sous dans ma poche, j’irai chercher ma tirelire, si tu veux, car moi je ne dépense jamais mes sous.

— Non… ça suffit… nous sommes assez riches. Allons !

Chacun, ils cueillirent une rose. Siroco la mit à la boutonnière de sa veste. Mary l’attacha à son chapeau de paille brune et ils quittèrent le jardin d’un air délibéré.