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— Laissez-les-lui ainsi, c’est magnifique ! dirent tous les officiers ravis.

Et, debout sur une banquette, la petite fille, la tête renversée dans le vent, enorgueillie par cette splendeur qu’elle s’ignorait encore la veille, buvait l’air vif du printemps revenu, excitant les chevaux d’un claquement de langue, ivre d’une ivresse de femme cruelle à sentir, derrière sa frêle personne, noyés dans les flots de ses cheveux, tous ces hommes qu’elle n’aimait pas.

On descendit de voiture à mi-côte. Madame Corcette courait comme une folle, perdant son chignon, déchirant sa jupe, une jupe garnie de soutaches et de brandebourgs qui la faisaient ressembler un peu aux hussards de son entourage ; elle criait tout haut le nom de ces messieurs : « Ici, Jacquiat. Avancez donc, Zaruski… ! le traînard de Steinel ! » avec des gestes tout à fait réjouissants.

Mary, plus réservée, allait au pas de Jacquiat, le seul hussard gras du régiment. Le lieutenant, fort de sa responsabilité, expliquait à Mary qu’il y avait des pierres dont on fabriquait des presse-papier en les polissant ; ils ramassèrent de ces pierres-là une douzaine ; un bon prétexte pour ne pas courir !

Jacquiat gardait toujours son idée de devenir le favori du colonel en passant par sa fille.

— Voyez-vous, racontait-il, dans sa grande douceur d’homme blond, à votre place, Mary, je cajolerais le papa pour qu’il lève les arrêts de Corcette : le capitaine est si amusant… il vous a de ces inven-