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tout le monde, y compris monsieur, et madame riait plus fort, appelant son mari : grand lâche !

On coucha Mary, après minuit, ce jour-là, dans le cabinet de toilette de madame Corcette où on avait dressé un petit lit bleu et blanc très coquet. Elle oublia de faire sa prière tant le sommeil lui mettait de poudre aux yeux. Le lendemain, elle vit entrer chez elle une merveilleuse magicienne vêtue de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel avec un bonnet pointu sur la tête et enveloppée d’un voile transparent. C’était madame Corcette qui avait mis un de ses costumes de bal masqué. Mary ne la reconnaissait pas et avait un peu peur.

— Je vous déclare, Mademoiselle Mary, disait la voix du capitaine caché derrière une porte, que si vous êtes sage, vous irez en voiture avec une foule de gentilshommes bien disposés à votre égard. Puis la magicienne se sauva laissant son voile aux bras de l’enfant abasourdie.

Manette vint habiller Mary, et comme elle ne parlait pas de cette aventure, celle-ci lui dit :

— Vous avez vu la dame, vous ?

— Quelle dame ?

— Une fée… ou bien, ajouta la fillette moins crédule qu’à cinq ans… ou bien une dame dans un costume de fée !

— C’est-y Dieu possible !… s’écria la rusée servante aussi comédienne que sa maîtresse… une fée !… Je me doutais du tour… parce que, hier, j’ai vu des nuages roses au ciel… C’est, dit-on, le présage cer-