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(Ça commence aussi par un c, et ça rime…) Toutes les chansons de Ninaude étaient de ce tonneau. Je ne peux pas te dire l’impression que cela me faisait de voir la vieille négresse accroupie gravement comme un bouddha, très correctement assise sur ses talons et chantant des choses folles avec la sérénité d’une qui réciterait son chapelet. Elle chantait à mi-voix parce que je la faisais taire… à propos, mais elle se doutait si peu de l’effet produit qu’elle aurait hurlé tous les couplets les plus scabreux le mieux du monde.

Je riais, je riais, nerveusement, je pleurais à force de rire. Elle ne comprenait pas, ne connaissant pas très bien la valeur des mots français. Rien n’était drôle pour elle, seulement, stupéfaite, elle hochait la tête.

— Bon ça, rire, pour petite maîtresse… ça lui chasse les humeurs du corps.

Mon mari la brutalisait. Hélas ! il battait les noirs, comme tous les officiers de marine qui savent qu’on n’attache ces animaux qu’à cette condition. Elle chantait derrière lui, ne se plaignait pas des coups de canne. Pour demeurer avec moi elle aurait avalé du fer.

— Bon ça, les coups, maîtresse, pour me chasser les humeurs du corps !

Ce jour de la lettre, Ninaude défila tout son