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Car, moi, je garde tout, j’emporte tout… je suis votre rêve…

L’amour divin à une époque où il n’y a plus de dieu.

L’amour qui brûle à une époque où le monde se refroidit.

…Écoute, petit Léon, je ne voulais pas te dire ces choses, mais je sens que je ne durerai point et qu’il me faut bien employer, je suis navrée que, dès le premier choc de la vie contre moi, le heurt d’une bien banale réalité contre une douce illusion, tu te révoltes et tu me regardes comme on regarderait une étrangère.

Ah ! ce regard, à la fin de ce bal blanc ? Je suis aussi simple d’esprit que compliquée de corps… peut-être même suis-je très simple des deux façons. Je n’ai pas eu de jalousie en te voyant causer dans l’oreille de Missie, j’ai pensé : « Il a tort de donner une espérance… car c’est un crime d’avoir l’air de promettre un amour qu’on ne donnera pas. » Remarque bien, je te prie, que je me suis montrée, dès le début, vis-à-vis de toi telle que j’étais. Tu me plaisais, je voulais t’aimer, je te choisissais comme tu avais l’air de me choisir, et je te disais : « Si je deviens votre maîtresse, ce sera que je vous aimerai moins. » Je ne peux pas me résoudre encore à t’aimer moins ! Voilà mon seul crime.