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La rue.

Je ne sais toujours pas où je vais. Du brouillard. Une ouate. On dirait une fumée d’incendie. À travers ce brouillard se tendent les becs de gaz des maisons, grosses pipes d’hommes sages demeurant indifférents à mon passage d’exalté. Je transforme l’atmosphère et je nage de plus en plus dans une eau tiède battue longuement par les fouets du soleil. Voyons ! Un peu d’ordre. Ayons du sang-froid. Je consulte ma montre. Une heure trente-cinq. Je n’irai pas chez l’une de mes deux amies pour y faire des découvertes troublantes ou troubler simplement son sommeil, ce qui serait pire. Je connais la réponse de la servante de celle que j’ose préférer : « Monsieur ne veut pas qu’on l’attende aussi la nuit ! »

Oh ! la vie, la vie monstrueuse parce que calme ! J’aime et je crois être aimé. Seulement, la nuit, des portes sont fermées qui ne tombent pas naturellement sous les poings de mes désirs.

Je marche tout à coup sur une peau d’orange et un ébranlement nerveux me ramène à des réalités premières. De dessous