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Je n’eus pas une seconde d’hésitation. J’appelai Juliette, je lui fis part de cette nouvelle et, ne me souvenant que de la promesse faite à ma mère, je revins à Peddry.

Nous étions arrivées à Wolwich en voiture. J’avais envoyé Juliette en avant, pour prévenir ma sœur et ne pas lui donner d’émotion. Je m’étais mise en route par un autre chemin que celui qui traversait le parc : ce parc me rappelait de trop odieux souvenirs.

J’arrivai par l’usine. Tout y était en pleine activité, les forges retentissaient des coups de marteaux, des nuages de fumée sortaient des grandes cheminées. À travers les lucarnes ouvertes sur la campagne comme des yeux béants, on voyait sans cesse passer des ouvriers en blouse, couverts de suie, remuant, avec des cris baroques, de lourds morceaux de fer. Je m’approchai de l’une de ces lucarnes ; dans le fond de l’atelier, un énorme creuset flamboyait. Deux garçons, de seize à dix-huit ans, jetaient dedans des masses de métal brillant. On aurait dit deux diables, devant ce rideau de flammes qu’ils agitaient parfois de leur souffle. D’autres garçons passaient confusé-