Page:Rachilde - L’Homme roux, suivi de La Fille de neige, 1888.djvu/161

Cette page n’a pas encore été corrigée

ne te verrai plus… plus jamais, peut-être… encore une minute…

Il me conduisit au fond de la pelouse. Il y avait là un banc de verdure où nous allions travailler quelquefois avec Madge. Il me força à m’asseoir. Du reste, j’aurais été incapable de lui résister ; les battements de mon cœur m’étouffaient.

Il prit place à côté de moi. Il faisait une nuit ravissante ; des frissons de brise venaient de la campagne, tout chargés de parfums sauvages. Les étoiles étaient semées, pressées dans le ciel sombre comme des paillettes d’or sur un velours.

Je voyais James immobile, la bouche entr’ouverte, se rapprocher de moi.

— Est-ce que tu t’en iras bien loin ? demanda-t-il d’une voix douce comme une caresse.

— Je ne sais pas.

— Tu partiras demain ?

— Je ne sais pas… si je souffre autant, peut-être…

— Oh ! alors, je voudrais te voir souffrir beaucoup.