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Elle poursuivait sa chasse au curé, redoublant sa dévotion, allant tous les dimanches à l’église vers l’heure du crépuscule, quand le prêtre se trouvait isolé, loin de ses enfants de chœur et de ses vieilles habituées du confessionnal. Ah ! c’était une dévotion bien entendue que celle de mademoiselle Lordès ! L’ancien curé se mourait, il ne confesserait pas toujours les jeunes filles, et, le nouveau l’ayant complètement remplacé, il faudrait bien qu’il la prît sous sa tutelle, reçût ses confidences ; et elle le traquait avec une patience de bête fauve qui sait que tôt ou tard elle posera sa griffe sur un pauvre ennemi tout tremblant !

Lucien Séchard, de son œil unique, voyait les péripéties de la lutte à travers les murs. Il connaissait la toilette du rendez-vous, l’ombrelle de la promenade sous la terrasse des noisetiers, le négligé si gracieux des messes du matin, le bouquet que l’on se mettait au corsage le jour d’une confession possible ; et il devinait, aux allures folles de la jeune fille, les déceptions, les rebuffades, les crises de nerfs, la nuit, aussi les abandons solitaires, toutes les caresses épuisantes qu’il partageait à distance, en l’appelant très bas…

Dans la maison, les parents ne se doutaient de rien. Madame Lordès engraissait, M. Lordès courait les campagnes pour des contrats et rapportait des rhumatismes. Joséphine épluchait des légumes, au milieu de la cour, par le beau temps, devant son fourneau, par la pluie, et quelquefois cette