Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/89

Cette page n’a pas encore été corrigée

Paris… mais non, ça coûte, les clercs de Paris, et ton père est trop avare ; il me gardera parce qu’il me paye moins qu’un autre, entends-tu ! Et je resterai ici, pour mon pain ! Ça m’est égal ce que je gagne…

Et il ajouta, pris d’une langueur douloureuse qui le suffoquait :

— … Ça m’est égal, car je t’aime, je te veux depuis toujours, moi, l’horreur de garçon dont la figure te dégoûte…

Laure, à la fois furieuse et charmée, se mit à pleurer.

— Oh ! Tais-toi !… Est-ce que je pouvais me douter. Ton œil te fait si drôle. On dirait que tu boudes tout le monde… Tu m’as espionnée, c’est du propre ! D’abord, tu te trompes. Tu n’as rien vu… Fallait causer, grande bête !

— J’aurais dû, en effet, te dénoncer à ton père. Au moins, je ne me serais plus régalé du spectacle… Tantôt celui-ci, tantôt celui-là, et tu leur donnais des gâteaux par-dessus le marché… Moi, ça me mettait la folie dans le sang. Tu pleures ? j’ai pleuré souvent des nuits entières, moi, mordant mon traversin.

— Lucien, nous serons des amis, à présent ; il faut me pardonner, murmura-t-elle câline, lui passant ses bras autour des épaules. C’est vrai que je suis amoureuse… et je ne sais pas trop de qui, j’ai la chair tendre, ma peau flambe tout de suite… Est-ce que c’est de ma faute ! je n’y comprends