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— Moi, je suis très content, très content. D’ailleurs, il va tonner, et je n’ai jamais pu copier des rôles quand il tonne.

— Tiens ! Vous êtes donc nerveux, vous ?

— Des fois ! riposta le jeune homme, l’air de railler.

Et son œil se releva vers la jeune fille. Laure essaya de supporter ce regard de borgne, frissonnant légèrement. Plein de larmes figées sous sa taie sanglante, brouillé par des cils poussant là-dedans comme des épines qui hérisseraient une plaie, cet œil rouge avait un aspect terrible à côté de son frère tout bleu myosotis, ridicule on ne savait pas pourquoi. Et le visage était correct autour de la tache pourpre. Une naissante moustache estompait une lèvre bien retroussée, les dents étaient saines si le sourire conservait une expression de tristesse méchante ; la peau, d’une teinte ivoirine, devait être extraordinairement agréable au toucher ; elle avait le satiné de ces vélins dont il se servait pour les copies précieuses, toute la finesse d’une peau de femme… Laure lui sourit. Il rebaissa la tête, troua le papier transparent à la lettre u.

— Mais, sacré bon sens, cria-t-il, je ne fais que des sottises, aujourd’hui !

— Vous voulez trop perfectionner, riposta Laure.

— Non ! non ! C’est l’orage. Tenez ! je crois que je casserais tout.