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qui déshabillaient la poupée de sa fille dans un coin. Laure, se défiant toujours des femelles, tâchait de les parquer autour d’un jeu avouable, et elle courait ensuite où l’appelaient ses devoirs de maîtresse de maison. Elle semblait adorer le bruit, les furieuses disputes, envenimait toutes les querelles pour s’échapper cinq minutes à l’écart, suivie d’un favori.

Une entente cordiale régnait parmi les plus épris de ses charmes. Dépouillée de vanités et de querelles fanfaronnes, cette miniature d’humanité avait une énorme analogie avec l’autre.

Certain jeudi, durant lequel Laure se cacha complètement sous les feuilles parce qu’il pleuvait, le clerc de l’étude vint jusqu’aux angéliques ; il rencontra là les fils du capitaine de gendarmerie qui attendaient et faillit gâter sérieusement la récréation. Les garçons perdirent la tête, indiquèrent que Laure était là. Alors le clerc ne dit rien de ce qu’il aperçut : il se retira, ne chercha pas à revenir. On informa Laure, qui haussa les épaules en répétant : « Vous êtes des bêtes ! » car elle ne craignait guère cet œil de borgne s’il la dégoûtait.

Entrant dans son onzième année, Laure, maintenant, continuait ses classes. À cause de la croissance, on lui permettait toujours une foule de fantaisies, on tolérait les pires escapades sous le spécieux prétexte qu’un enfant qui se forme a besoin de mouvement (et aussi pour ne pas déranger la domestique). Tantôt on lui confiait des