Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/33

Cette page n’a pas encore été corrigée

enfant, s’était soumise, ingénument, à toutes les tortures, le résultat devant la sanctifier. Ah ! ils y avaient mis, chacun, beaucoup de courage ! Réussir des angéliques n’était pas aussi difficile que réussir un enfant. S’ils avaient essayé de bon cœur, au début de leur mariage (qui ne se classait déjà pas dans les mariages d’amour), après quinze ans d’union ils éprouvèrent des dégoûts horribles. Il faut imaginer un homme crachant dans ses mains en disant : Allons-y ! une femme récitant des litanies en esquissant des poses libertines, pour juger de ce qu’ils eurent à souffrir, puis à se pardonner quand ils finirent par y gagner des habitudes. Derrière les vitres d’émeraude, la lune n’osa plus les contempler… Tout cela se fondrait, se mitigerait, pensait le mari, dès l’annonce d’une conception. Pour activer les boutures d’angéliques, n’avaient-ils pas acheté un lot de fumier de porc, le plus immonde des fumiers après celui des humains ! Et jamais feuillage ne répandrait plus douce odeur que ce feuillage privilégié… L’enfant issu de leurs petites infamies serait d’une essence précieuse : ils en répondaient tous les deux par la pureté de leurs intentions, sinon de leurs actes. Malheureusement, ni l’amour ni la nature ne bénirent le résultat. Aucune jouissance ne fit plus tendre leur cœur pour qu’il conçût un cœur généreux, aucun renouveau ne fit flamber leur chair pour qu’elle émît de la chair humaine. Ils fabriquèrent un enfant angélique, un végétal ; mais, outre sa vertu