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mal. Elle était la faute même, et ce n’était pas sa faute. Ce notaire et sa femme qui végétaient réunirent tous leurs péchés en un seul rameau, qui leur jaillit brusquement au milieu de leur automne, après une fumure féroce. Tout d’un coup, leur jardin de fond de cour, moisi sous les épluchures, les entrailles d’animaux et les eaux de vaisselle, lança des angéliques, et, l’imitant, ils conçurent un ange des ténèbres. Sait-on comment s’y prennent des bourgeois naïfs pour arriver à ce but honteux de procréer un être qui persistait à ne pas venir ? Il doit exister une luxure effroyable : la luxure froide. Et Laure Lordès, l’angélique suave, était sans doute sortie de cette luxure-là. Des détails d’apparence insignifiante font des monstres. Il suffit de réunir tous ces détails pour posséder le secret de la formule magique créant des féminités épouvantables. Ce notaire, toujours assis, comptant et écrivant, recélait des choses troubles. Que peut-il naître d’un homme toujours assis ? d’un homme dont le cerveau ne voyage pas, dont les yeux ne sont occupés, sous un abat-jour vert, qu’à chercher les moyens d’augmenter une somme ? La mécanique pour l’argent invente la mécanique pour l’amour, et peut-il naître des êtres sains d’une mécanique ?

Rien de plus honnête que l’aspect de ce brave homme allant consulter des médecins sur son cas. Madame Lordès, délaissant la poésie des cierges brûlés à la mère du Christ pour obtenir un