Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/266

Cette page n’a pas encore été corrigée

pouces toute la vie. Non, c’est embêtant ces misères-là… le bon Dieu aurait dû fabriquer des hommes à part, pour le travail… des hommes qui n’en seraient pas !…

Il eut un grand geste terrible évoquant des idées socialistes. Laure ne put s’empêcher de rire.

— Laisse-moi te nourrir, mon mignon, oublie que tu m’aimes et nous partagerons comme deux frères.

Il la regarda de travers, en souriant aussi.

— Tenez, en attendant ma casquette neuve, ce que je vous apporte pour vos relevailles ! dit-il, fouillant dans ses poches.

Il lui offrit une petite boîte de carton où se trouvait une broche en strass, un bijou si fulgurant qu’il vous ahurissait. Les anciens instincts de Peau-Rouge de la jeune femme se réveillèrent, et à cette minute elle aurait bien donné, reine d’une île sauvage, tous ses sujets en échange de cette éblouissante verroterie.

— Tu es charmant ! Je te remercie. C’est plus beau que du vrai, et qu’est-ce que ça fait, après tout, que ce ne soit pas vrai… je m’en moque !

Elle piqua la broche à son corsage.

— Ça te coûte cher… je parie que tu t’es endetté ?

— Mais, je vous l’avais promis, répliqua-t-il d’un ton fat, et Auguste Ternisier n’a pas deux paroles !

À minuit, le jeune garçon discrètement se leva,