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lotonna le plus près, servant de trait d’union ; le chat noir s’assit sur son derrière, grave, la queue enroulée dignement ; et le chat gris, et le chat fauve, et le chat blême — un jeune souffreteux, celui-ci, venu tard au sabbat — se posèrent en signes interrogateurs. La femme éclata d’un rire doux. Ils remiaulèrent tous à l’unisson, tendant le cou et agitant le panache ; puis le chat blanc se mit à ramper par saccades, frissonnant de plaisir malicieux, il se faufila sous le menton de cette tête échevelée qui ne l’épouvantait plus. Un coup de vent releva les cheveux noirs, les réunit en une seule gerbe et les étala sur le chat. Alors ce fut un beau délire. Pris dans ce piège comme dans un écheveau de soie, il se roula, se tordit, jetant des feulements de gaieté. Tous l’imitèrent. La séduction de la ficelle avait opéré. Quel chat pourra jamais résister à la chose qui flotte serpentinement par terre ? Lorsque le démon, enroulé aux arbres du Paradis terrestre, tenait ses discours, la chatte d’Ève guettait, sans doute, de son coin, la mince extrémité de Satan perdue sous le gazon : et ils ne se lasseront jamais, ses descendants, les matous, de guetter la frétillante amorce, le petit bout de queue désopilant ! C’est leur folie, leur idéal ; ils le voient de tous les côtés, dans tous les tapis, dans toutes les ornières, sur les meubles et sur les toits. En vrais poètes qu’ils sont, ils lâcheraient la pâtée pour aller suivre, dans l’air, le passage d’un fil de la Vierge.