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insomnies, tu en inventes ! Ne dors plus si ça t’amuse, mais ne m’empêche pas de dormir, au moins !…

Il songeait que sa passion pour une bête la rendait plus méprisable, calculait, en outre, que la réclusion qu’elle s’imposait à cause du puéril joujou la faisait plus que jamais une femme de harem, l’amante cloîtrée fuyant les foules, les lieux de plaisir mondain, où devaient se réunir les créatures dévergondées comme elle.

Il ne comprenait rien au singulier caractère de cette toquée. Elle s’avisait d’être fidèle, cette surexcitée, et en même temps s’attachait au seul homme qui ne se souciait pas de satisfaire toutes les fantaisies de ses sens ! Allait-elle, à présent, le doubler d’un chat, s’aiguiser les ongles et les appétits dans cette fourrure électrique ? Pas de veine, décidément ! Si elle continuait à se calfeutrer entre son amour pour lui et son exaltation pour un animal, jamais il ne trouverait l’occasion, sournoisement cherchée, de la rupture.

Laure, ce jour d’été, demeurait chez elle, à contempler son chat loin du bruit, dans une demi-obscurité favorable aux rêveries, ayant baissé les stores des vitrages, ne s’inquiétant guère de la fugue du jeune homme, parti le matin sans lui dire quelle direction il prenait. Il refusait de l’emmener ; alors elle restait là, perchée sur cette maison comme l’abandonnée femelle lâchée sur la gouttière après une nuit de caresses méchantes.