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dut s’incliner parce qu’il avait la secrète inquiétude, maintenant, de la voir se complaire à ce jeu profane de l’existence d’une pécheresse dans une église.

Lorsqu’ils traversèrent la place du parvis, marchant les jambes flageolantes, ils rencontrèrent un ivrogne. Celui-ci les examina et leur dit :

— On est des tourtereaux, quoi ! et il grogna des choses obscènes.

Ils faillirent s’évanouir tous les deux, se lancèrent, au hasard, dans la première des ruelles. Ils s’imaginaient que les maisons, les réverbères, les bornes-fontaines, leur couraient après. Le curé, désorienté sans sa robe, faisait des petits pas, s’embrouillait, ne se dirigeait plus, tournait, revenait, ne pouvait plus lire le nom des chemins sur les poteaux. En rase campagne, ils se mirent à galoper. Laure avait relevé sa jupe de drap, trop lourde, lui battant les mollets, et elle parlait de la poser pour aller plus rapidement… Ils longèrent la grand’route, un instant rassurés, rencontrèrent un fermier qui conduisait des bœufs, et eurent un affolement qui les roula dans une meule. Ils s’étendirent à plat ventre, les yeux dilatés, la poitrine haletante. Laure saisit la main d’Armand et la mit sur son sein :

— Je crois que je vais suffoquer !

— Non, non, c’est l’air, le grand air. Tu comprends, tu es restée huit jours enfermée sans air… Mon Dieu, comme ton cœur bat !