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chute furieuse de Lucien Séchard dans l’abîme. L’église, heureusement, à cette heure de la soirée, demeurait vide, ne contenant que son jeune curé, toujours en prières depuis que fermentait le scandale autour de sa paroisse. Laure lui montra ses bras meurtris, sa gorge couverte d’égratignures, à la lueur d’une veilleuse.

— Gardez-moi, lui cria-t-elle, si vous ne voulez pas que je me tue, moi aussi !

Et il l’avait installée derrière le bon Dieu, dans la sacristie, l’enfermant dans les confessionnaux quand il redoutait ou ses imprudences, ou les visites du sacristain, lui organisant des couchettes avec les vêtements sacerdotaux, des nappes d’autel, des surplis et des rochers de dentelles, saccageant les trésors du Seigneur avec la conscience de remplir un devoir pieux, déchirant les écharpes de soie brodée qu’on lui offrait aux fêtes religieuses pour lui fournir une ceinture et la mettre en un état plus décent, bandant ses petites plaies avec les grands tulles dont on voilait la Vierge, les batistes saintes qui recouvraient le ciboire.

La nuit, elle dormait dans un ancien bahut où l’on serrait les vases sacrés ; le coffre-fort de l’église, dont il possédait seul la clef, était large comme une chambre, profond comme l’antre d’un fauve. À travers le noir de velours de son obscurité, des ors et des pierreries reluisaient, et elle avait vite arrangé une sorte de lit merveilleux avec une pile de coussins cramoisis à crépines, de tapis fleurde-